LA TOUR VERTE INFERNALE

L’hypothèse de la tour de prilling, dite du nitrate fondue, est due à Bernard Rolet, ingénieur de l’École Centrale de Paris, ancien Directeur général de CdF Chimie International. C’est une hypothèse purement chimique. Elle a, de plus, le mérite d’être parfaitement carrée. Elle s’appuie de façon précise sur les témoignages relevés ce 21 septembre. Ainsi que sur l’état des éléments retrouvés sur le site. C’est d’ailleurs pratiquement la seule hypothèse qui le fait de façon aussi pertinente.
Elle a été présentée le 12 janvier 2005 au Juge d’Instruction par Bernard Rolet qui intervenait alors au titre de Directeur technique du groupe CdF Chimie et d’Inspecteur général de ses usines. Cette thèse était contenue dans un Rapport au Juge qui démolissait ligne par ligne le « Rapport d’étape et de synthèse jusqu’au 31 août 2004 » des experts officiels.
L’idée repose sur les déclarations des témoins qui ont signalés avoir vus, qui un rayon, qui un projectile se diriger vers la tour de prilling. Ainsi que celles des témoins qui affirment avoir vu la partie supérieure de cette tour verte décoller. Puis s’infléchir vers le nord-ouest. C’est-à-dire vers le hangar 221. Elle s’appuie de même sur l’état des éléments de la tour qui ont été retrouvés : bardages, ventilateur, filtre. Ainsi les bardages ont été retrouvés criblés d’impact de l’intérieur, ce qui aurait fortement impressionné le Juge d’Instruction. De même le filtre JF302 du nitrate qui se trouvait entre l’évaporateur Luwa 2 et les buses de pulvérisation a pratiquement explosé de l’intérieur.
Rappelons rapidement que la tour de prilling est une tour de granulation – c’est la traduction littérale du terme prilling – dans laquelle la finition de la fabrication du nitrate d’ammonium, notamment l’enrobage des grains de nitrate est effectuée en continu. Et notons que cette tour s’inscrit tout à fait dans le domaine de compétence de Bernard Rolet qui en connaît le moindre circuit et qui d’ailleurs l’avait inspectée auparavant.
L’idée est la suivante. Une canalisation de nitrate fondu de la tour s’est trouvée percée, par exemple par un arc électrique ou un faisceau à forte énergie. Le nitrate fondu s’est alors décomposé. Cette décomposition due est non explosive. Ce produit en cours de décomposition s’est déversé dans la tour pendant environ huit secondes au rythme de la production, faisant monter sa pression interne. Puis cette décomposition est devenue déflagrante, ce qui a provoqué l’éventration des bardages latéraux et le décollage vertical des éléments supérieurs (dont le filtre JF 302), éléments qui sont restés groupés. La trajectoire de cet ensemble s’est ensuite infléchie vers le nord-ouest et l’a fait passer au-dessus du 221. Il a alors été disloqué par une détonation interne assortie de la formation d’un nuage de vapeurs rousse. Un jet de nitrate en cours de décomposition a jailli du filtre décapsulé, a percé la toiture légère du hangar 221 et a atteint le stock pour l’associer à sa propre détonation.
Plusieurs points militent en faveur de cette thèse. (Lire la suite dans notre livre : AZF, ENQUETE SECRETE)